Explorateur amoureux des grands espaces, installé dans le Loiret, Nicolas Vanier plonge à nouveau dans l’univers de Cécile Aubry. Après "Belle et Sébastien", Nicolas Vanier s’empare donc de "Poly", feuilleton culte des années 1960, à l’occasion d’un roman paru le 11 juin aux éditions XO, et d'un film dont la sortie est prévue le 7 octobre. Interview.
Comment est née cette idée de revisiter "Poly", série des années 1960 ?
"Comme Belle et Sébastien, Poly a bercé mon enfance, et ces histoires ont sans doute eu des incidences sur ma vie que je passe avec des chiens et des chevaux, à traverser des territoires sauvages. Après avoir redonné vie à Belle et Sébastien, c’était aussi une façon de boucler la boucle."
Qu’est-ce qui vous avait touché dans cette série ?
"Je crois que c’est pour tout le monde la même chose, c’est cette relation entre un enfant et un animal, complice presqu’amoureuse." On vous savait amoureux des chiens, qu’en est-il des chevaux ? "J’ai passé pas mal d’années sur une selle puisque j’ai traversé pendant un an les montagnes Rocheuses avec un cheval, un petit quarter horse qui était extraordinaire. Nous avons tout vécu : longues traversées de rivières à la nage, franchissement de cols enneigés, tempêtes, orages... J’ai beaucoup puisé dans ces souvenirs, ces moments de complicité pour écrire Poly."
Comment revisite-t-on l’univers de Cécile Aubry ?
"Il faut y aller sans contrainte et sans complexe. Ce qui m’importait, c’était d’avoir, dès le départ, l’accord de Mehdi, héritier de la mémoire de Cécile Aubry. Ensuite, je voulais conserver l’ADN de l’histoire originale tout en la modernisant un peu, mais sans en faire un Poly d’aujourd’hui. Il y a aussi, je crois, une part de nostalgie par rapport à cette époque pleine de couleurs. Après une projection, plusieurs personnes m’ont demandé : "Mais que nous est-il arrivé en un demi-siècle pour que nous soyons devenus si tristes, à l’image de nos voitures grises...""
Alors que la série met en scène un petit garçon, votre "Poly" raconte l’histoire de Cécile. Pourquoi ?
"Parce que pour Belle et Sébastien, c’était un garçon. Parce qu’aussi, j’ai pu le mesurer avec les chiens mais aussi les chevaux, les petites filles perçoivent mieux ce que ressentent leurs animaux de compagnie. Je ne sais pas à quoi cela est dû, peut-être une part de sensibilité plus forte. Et c’est aussi vrai chez les adultes, les muschers femmes arrivent à un degré de connivence, de complicité avec leurs chiens souvent supérieur à ce que des hommes peuvent obtenir."
"Poly" est aussi l’occasion d’évoquer le thème de la condition animale.
Je n’ai, encore une fois, pas la prétention de changer le monde avec un film ou un livre mais il est important que certaines choses évoluent. Aujourd’hui, on parle beaucoup de la condition animale par rapport à certaines professions ou certains pays : personne n’accepte plus, par exemple, de voir des tigres ou des lions fouettés pour se mettre assis dans un cirque. Je pense aussi à la façon dont on traite certains animaux dans les abattoirs ou dans certains pays où des chiens sont écorchés vivants parce que soi-disant ils ont ainsi plus de goût... Il me semble important, en 2020, d’en parler et si un film donne l’occasion de le faire, c’est une bonne chose."
Dans le livre, Cécile arrête également de manger de la viande... "On aborde ici un sujet plus vaste. Aujourd’hui, on doit lutter contre les deux grands problèmes de notre siècle : le réchauffement climatique et l’épuisement de nos ressources naturelles. Alors, il n’est pas question de ne plus manger de viande mais cette consommation devrait être plus sobre dans nos pays “riches”. C’est très bien d’être ému des images de la forêt amazonienne qui disparaît, mais c’est la consommation de viande qui engendre cette disparition à cause de la culture intensive pour nourrir le bétail. C’est aussi important d’ouvrir ce débat-là."
Ces thèmes sont ici portés par une très jeune fille. "Parce que la jeunesse est de plus en plus concernée et impliquée. Comme nous tous, les jeunes découvrent ce que va être l’avenir si on ne change pas. Les adolescents nous interpellent aujourd'hui partout dans le monde sur la dégradation de la planète, il faut les entendre. Certes la prise de conscience est de plus en plus grande et une partie de la population vote vert, mais il n'y a pas grand-chose qui se passe... On a beaucoup parlé pendant le Covid d’un "monde d’après", mais on voit que tout recommence très exactement comme avant. On reparle de croissance pour financer la dette dont nos enfants vont hériter en plus de tout le reste. On dépense des milliards qui n’existent pas et qu’on va bien devoir un jour rembourser... Tout ça est très égoïste vis à vis des générations futures." Vous sortez à nouveau un livre et un film. Par quoi avez-vous commencé ? "Généralement, j’aime commencer par cette liberté qu’offre le roman, par rapport au scénario qui implique des contraintes de temps, de budget : quelques lignes peuvent coûter des millions." Le Loiret filmé par le réalisateur pour son prochain long-métrage
Comment s’est déroulé le tournage ?
"On sait dès le départ que ce sera compliqué, même si je préfère dire passionnant, de travailler avec un animal et un enfant. Il faut aborder ces tournages avec patience et humilité."
Avez-vous eu des difficultés à trouver votre Poly ?
"Oui. C’est un casting comme pour les acteurs. Nous avions des critères esthétiques, nous devions tester les animaux pour savoir s'ils étaient capables de jouer le rôle, de comprendre des indications. Tout ça prend beaucoup de temps. Mais on y est arrivé. Ensuite, nous avons tourné dans le Gard pendant un peu plus de deux mois, avec notamment le dernier jour de tournage, le record historique de température : 46° à l’ombre ! Nous avons reçu un accueil formidable de toute cette région, magnifique, que je ne connaissais d’ailleurs pas bien."
Le résumé Été 1964. À Beaucastel, dans le Gard, les chansons yéyés résonnent dans les transistors et les enfants piquent une tête dans les eaux claires de la Cèze pour se rafraîchir. Dans ce décor idyllique, pourtant, Cécile ne cesse de pester. Pourquoi sa mère, Louise, lui a fait quitter Paris pour ce "trou paumé" ? Ici, rien ne va pour elle : sa nouvelle maison est sordide, les gamins du coin sont moqueurs, son père, parti en Italie, lui manque. Quant à Victor, un homme très louche propriétaire d’un château en ruines, il tourne un peu trop autour de sa mère.
Cécile se sent seule, elle s’ennuie tellement… Jusqu’à l’arrivée en fanfare d’un cirque dirigé par l’autoritaire Brancalou. La vedette du spectacle est un poney nommé Poly. Entre l’animal maltraité et l’enfant naît une incroyable amitié. Le début d’une folle et belle aventure qui les mènera loin de cet environnement hostile. Et leur fera braver tous les dangers…
Un livre : Poly. Paru le 11 juin aux éditions XO. 256 pages. Prix : 19,90 €. Un film : Poly, réalisé par Nicolas Vanier avec François Cluzet, Julie Gayet, Elisa de Lambert... Sortie prévue le 7 octobre.
Article de Julie Poulet-Sevestre paru dans La République du Centre le 5 juillet 2020 Voir l'article
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